« Un renard dans le poulailler » : quand BlackRock devient conseiller environnement de l'UE


L'UE a choisi le gestionnaire d'actifs pour l'aider à intégrer les facteurs environnementaux dans la supervision bancaire, révèle « The Guardian ».

À chaque mois sa polémique pour BlackRock. Après avoir été cloué au pilori en France pour ses conseils probusiness au gouvernement en pleine réforme des retraites, le spécialiste mondial de la gestion d'actifs est désormais critiqué pour avoir enfilé un nouveau costume qui, pour nombre de ses contempteurs, ne lui sied guère : celui de conseiller sur l'environnement pour l'Union européenne.

La firme américaine devra plancher sur la question suivante : comment le Vieux Continent pourrait intégrer au mieux les facteurs environnementaux et sociaux dans la supervision bancaire  ? La Commission européenne, à l'origine de l'appel d'offres, versera 550 000 euros à BlackRock pour cette étude.

Des conflits d'intérêts ?

Or, BlackRock est l'un des plus grands investisseurs mondiaux dans les entreprises d'énergies fossiles et les banques. La nouvelle casquette de l'entreprise a donc fait bondir les militants écologistes, qui craignent l'apparition de conflits d'intérêts. «  Nommer BlackRock en tant que conseiller de la Commission européenne sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), c'est comme laisser le renard garder le poulailler  », s'étrangle, dans les colonnes du Guardian, Katrin Ganswindt, militante chez Urgewald, une ONG de défense de l'environnement et des droits de l'homme. Et pour cause, BlackRock est l'un des trois principaux investisseurs dans les huit plus grandes sociétés pétrolières du monde et l'un des dix principaux investisseurs dans les douze banques les plus importantes du monde.

Inquiétudes

Les sujets d'inquiétude sont nombreux. Les décisions prises par les régulateurs bancaires européens concernant les fonds qui comprennent des ESG pourraient avoir des conséquences financières importantes sur les sociétés dont BlackRock détient des actions, explique The Guardian. Par exemple, des restrictions plus souples sur les prêts bancaires aux entreprises qui alimentent la crise environnementale pourraient profiter aux sociétés pétrolières et aux prêteurs. BlackRock a été lui-même critiqué pour avoir bloqué des avancées en matière de lutte contre le dérèglement climatique. La firme s'est notamment opposée ou abstenue dans 82 % des résolutions d'actionnaires liées au climat dans les sociétés dont il a géré les actions entre 2015 et 2019.

Mais tout n'est pas noir pour autant. En 2020, BlackRock a pris des mesures importantes pour faire de la durabilité un élément central de son activité. En janvier, la multinationale a annoncé qu'elle se désengagerait des sociétés tirant 25 % ou plus de leurs revenus du charbon et s'est engagée à utiliser son droit de vote pour obliger les entreprises à plus de transparence concernant leurs risques climatiques.

«  L'offre de BlackRock était meilleure que celle de ses huit concurrents"

La Commission européenne a indiqué que le contrat avait été attribué «  dans le respect intégral et strict des règles applicables de l'UE en matière de passation des marchés, y compris celles concernant l'éligibilité des soumissionnaires et la prévention de tout conflit d'intérêts potentiel  ». «  L'offre de BlackRock était meilleure que celle de ses huit concurrents, et elle ne constituera qu'une seule contribution à l'élaboration des politiques de l'UE  », a développé une porte-parole de la Commission.

De son côté, BlackRock se veut rassurant et assure que son activité de conseil est séparée de la gestion des investissements. «  Nous sommes honorés que BlackRock Financial Markets Advisory ait été sélectionné pour effectuer une analyse afin d'éclairer le plan d'action de la Commission européenne sur la finance durable  », s'est réjouie la firme.

Source : Le Point