"Grève illégale" à la SNCF : quand Muriel Pénicaud oublie une partie, subtile mais essentielle, du Code du travail


S'appuyant sur l'article L4131-1, la ministre du Travail a estimé mardi matin sur France Inter que "le droit de retrait n'était pas légitime" à la SNCF "sur toute la France, sur tout le réseau" ces derniers jours, après l'accident de TER survenu mercredi dans les Ardennes. La station souligne néanmoins que l'article cité est incomplet et que cela change tout.

Après quatre jours de perturbation du réseau et de conflit entre syndicats et direction du groupe au sujet de la sécurité des trains circulant sans contrôleur, déclenché par un accident en Champagne-Ardenne, le trafic SNCF est quasi normal ce mardi 22 octobre.

L'accident survenu mercredi dernier a fait 11 blessés et a provoqué un arrêt de travail surprise,sur la base du droit de retrait des agents.

Mais pour la SNCF, soutenu par le Premier ministre et le secrétaire d'État aux Transports, il s'agit d'une "grève surprise". "Ce n'est pas aujourd'hui un droit de retrait, il n'y a aucun danger grave et imminent sur aucun train à la SNCF", a notamment assuré le PDG de la compagnie ferroviaire Guillaume Pepy ce week-end.

L'article L4131-1 en question

Un argument repris mardi 22 octobre par la ministre du Travail. Invitée de France Inter, Muriel Pénicaud a estimé que dans ce cas présent "le droit de retrait n'était pas légitime". "C'est très simple. Le Code du travail, qu'on doit appliquer, pas plus, pas moins", indique au sujet du droit de retrait qu'"un salarié peut cesser le travail s'il est confronté à un danger grave et imminent", a affirmé la ministre, en citant l'article L4131-1. "Est-ce qu'il y a un danger grave et imminent qui justifie l'arrêt soudain des conducteurs sur toute la France, sur tous les réseaux, TER, RER, TGV, Ouigo, à la veille des vacances? La réponse est non", a Mme Pénicaud. "Du coup, c'est une grève qui n'est pas déclarée, donc une grève illégale." "Il faut bien distinguer le cas particulier, dans un contexte donné, et le cas général", a-t-elle insisté.


Or, France Inter souligne que la ministre a omis une partie de cet article qui met en avant "une différence certes subtile mais qui change tout". "Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation", indique plus précisément l'article L4131-1. Ce qui signifie que le droit de retrait n'est pas lié à l'existence réelle et concrète d'un "danger grave et imminent", mais à l'existence d'un "motif raisonnable de penser" qu'il existe.

Qu'en pense l'inspection du travail ?

Interrogée sur une lettre d'une inspectrice du travail du Grand-Est, qui a préconisé lundi la suspension de la circulation des trains avec seulement un conducteur à bord, comme c'était le cas dans les Ardennes, la ministre a relevé que "ce n'est pas l'inspection du travail" qui réagit ainsi, "c'est une inspectrice du travail, qui n'engage qu'elle".

"La direction générale du travail, qui est l'autorité administrative en France, que j'ai interrogée, ne partage pas les conclusions de (cette) inspectrice du travail", qui a écrit "une lettre de préconisation, de recommandation", a-t-elle souligné.

Les cheminots pas sanctionnés mais pas payés


Concernant les éventuelles sanctions contre les cheminots ayant exercé leur droit de retrait, la ministre a rappelé que "la SNCF avait annoncé que, puisque le travail a repris, elle ne ferait pas de poursuites" judiciaires. "C'est une bonne chose", a-t-elle jugé. Mais "quand on est en grève, on n'est pas payé et donc la SNCF a engagé des retenues sur salaire de ceux qui ont été grévistes. C'est l'application du droit", a-t-elle ajouté. 

Questionnée sur la sécurité, Mme Pénicaud a noté que "la SNCF, comme tous les transporteurs, comme toutes les entreprises notamment dans le domaine du transport, doit faire une actualisation régulière de son plan d'évaluation et de limitation des risques". "Chaque fois qu'il y a un accident, ils doivent revoir le sujet", examiner s'il faut "des précautions supplémentaires", a-t-elle indiqué.

Source : Orange.fr