La présidente de la région Ile-de-France veut engager le processus d'ouverture à la concurrence du Transilien dès la fin 2023, ce que les textes lui permettent, et accélérer de dix ans le tempo à la RATP, ce qui suppose de changer la loi au préalable.
Les grèves record dans les transports publics, qui ont en premier lieu affecté Paris et les départements alentour durant sept semaines, ont poussé la présidente de la région Ile-de-France à réagir. Mercredi, l'autorité organisatrice des transports, Ile-de-France Mobilités (IDFM), a décidé de « mettre à l'étude l'ouverture à la concurrence des lignes de train SNCF, pour voir lesquelles pourront être ouvertes à la concurrence le plus vite possible », a annoncé Valérie Pécresse, dans une interview au « Parisien ».
« Pour 2023, on peut lancer l'ouverture à la concurrence des premières lignes de Transilien », a-t-elle affirmé, en évoquant les lignes en souffrance J, P et R. « Pour les autres, je souhaite qu'on accélère. La loi LOM a repoussé à 2039 l'ouverture à la concurrence des lignes de la RATP et à 2033 les lignes de RER. C'est trop tardif », a ajouté celle qui est également présidente d'Ile-de-France Mobilités.
Avancer de dix ans sur le réseau RATP
Son idée vise à « lancer l'ouverture à la concurrence des bus RATP pour être prête fin 2024 » et, concernant les métros et RER, à « avancer le processus de dix ans. » L'objectif, pour la présidente de région, « c'est que tout le réseau puisse être ouvert à la concurrence à l'horizon 2030. »
Les lignes concernées « pourraient toujours être exploitées par la SNCF ou la RATP, mais elles seraient forcées d'améliorer leur offre pour être compétitives face à d'autres opérateurs, publics ou privés », a insisté Valérie Pécresse. Une priorité politique qui ne sera pas pour déplaire aux opérateurs alternatifs, comme Transdev, voire Keolis, filiale à 70 % de la SNCF, dont les réseaux de province ont été très peu perturbés depuis le 5 décembre.
En abattant ainsi ses cartes dans la foulée de la grève, la présidente de la région capitale n'ignore pas qu'elle touche en fait à un véritable mille-feuille réglementaire. Compilant toute une série d'échéances, édictées à des époques différentes et étalées pour des raisons techniques ou politiques jusqu'en 2039.
Calendrier spécifique
Contrairement aux autres régions françaises - où l'ouverture à la concurrence dans les trains régionaux devra s'étaler entre décembre 2019 et décembre 2023 - le calendrier spécifique francilien est truffé d'exceptions et de moratoires.
Selon l'échéancier instauré dans le « nouveau pacte ferroviaire » en mars 2018, l'ouverture sera mise en place pour 8 lignes de Transilien entre fin 2023 et 2033, à partir de 2023 pour le RER E, entre 2033 et 2039 pour les RER C et D et seulement en janvier 2040 pour les RER A et B, dont l'exploitation est partagée entre RATP et SNCF.
Changer la loi
En clair, les lignes à très forts volumes traversant les zones les plus denses, et la capitale de part en part, seront concernées les dernières. Pour le réseau RATP cette fois, les échéances ont été calées dès 2008, et confirmées par des décisions européennes : le monopole pourra tomber fin 2024 pour les bus , fin 2029 pour les tramways, puis fin 2039 pour le métro.
Mais si la région a une franche latitude pour le volet Transilien à compter de fin 2023, et peut même lancer beaucoup plus tôt des appels d'offres, « il sera plus compliqué d'avancer sur la partie RATP », prévient un spécialiste du secteur : ici, changer la loi s'avérerait nécessaire pour hâter le tempo.
Vers un deal IDFM-SNCF ?
Message déjà intégré au siège de la région. « IDFM saisit le gouvernement d'une demande de modification de la loi pour accélérer l'ouverture à la concurrence des RER, tramways et métros avant 2030 », précise son dernier communiqué.
Quant au réseau SNCF mis à l'encan, toutes les lignes ne se valent pas. Tant en volume de trafic, qu'en niveau de modernité. Ainsi la ligne E, en pleine extension vers la Défense, sera prochainement une vitrine de l'entreprise, une fois que sera achevé le tunnel entre Haussmann-Saint-Lazare et Nanterre Arena via la Porte Maillot, qui sera emprunté à 120 km/h, un record sous la capitale.
« Valérie Pécresse est-elle prête à dealer avec la SNCF un retard de la concurrence sur le RER E avec pour contrepartie une accélération sur le reste ?» s'interroge un expert.
Source : Les Echos